Implantation massive de puces RFID en Europe
Une puce sera t-elle implantée sous la peau de tous les citoyens européens ? C'est pas demain la veille en tous cas !
Une technologie existante
Les puces à radio-identification (RFID) sont des appareils de conservation et transfert de données très présents de nos jours. Elles sont utilisées pour identifier ou localiser les objets et les animaux (suivi des stocks, identification des animaux domestiques, suivi des animaux sauvages pour la recherche…).
Elles concernent également les personnes, notamment pour contrôler l'identité et/ou l'accès à un service (passeport, bracelets d'identification en hôpitaux, badge professionnel, carte de transport…). Ces mêmes dispositifs permettent aussi de localiser les citoyens partout où il y a un capteur à portée suffisante.
Bien sûr, tout dispositif de ce genre déclenche à raison des débats complexes sur les possibles abus aux libertés, sacrifiées à la sécurité et à la performance.
La CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés), ses équivalents européens et la Commission européenne ont encore récemment affiché des positions réservées à ce sujet.
Mais alors, pourquoi donc les autorités européennes auraient-elles en deux mois adopté un avis nettement plus enthousiaste ?
Je t'ai dans la peau
Un article traduit de l'italien s'est mis à circuler depuis fin décembre 2013 sur les réseaux sociaux : "Europe : La puce electronique deviendrait obligatoire pour tous les bébés à partir de mai 2014". Il expose que dès mai 2014, tous les nourissons devront être implantés avec une puce contenant leur identité et informations médicales, mais aussi un "puissant détecteur GPS" permettant de les localiser avec une marge d'erreur de 5 mètres.
Les puces implantées dans le corps (sous-cutanées) sont bien connues des propriétaires de chiens et de chats, le puçage des animaux étant obligatoire.
Ce dispositif est également applicable aux humains, avec plusieurs utilisations possibles, semblables à celles des autres puces :
- conservation des données médicales (permettant par exemple aux secours d'urgence de connaître les médicaments non-tolérés par un patient),
- l'identification, qui pose bien sûr le plus question.
Au-delà des applications simplement "hype" (pass VIP dans des bars !), ont été réalisées ou évoquées l'implantation d'employés dans des zones sujettes à l'espionnage ou aux vols, de patients Alzheimer, de prisonniers ou délinquants sexuels, d'immigrés… La crainte légitime étant que l'implantation devienne obligatoire pour toute la population, et que cela aide à persécuter les dissidents politiques.
Pour ce qui est de la localisation (pour éviter les enlèvements ou accidents de randonnée), la technologie est peut-être encore un peu limitée :
- la puce implantable la plus connue, VeriChip, nécessite un lecteur qui doit être utilisé assez près de la personne
- des puces avec GPS ont déjà été proposées, mais elles posent des problèmes de taille (volume d'un pacemaker) et nécessitent des batteries, qui s'épuiseraient et ne seraient pas évidentes à changer.
En plus des problèmes évidents d'éthique, il faut s'assurer que les données soient bien protégées (des chercheurs ayant annoncé en 2006 avoir copié les données d'une puce) et que l'appareil ne présente pas de risques pour la santé (la puce VeriChip a été accusée de provoquer le cancer chez les animaux).
De (gros) fils qui dépassent
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'un tel article ait beaucoup circulé, les inquiétudes sur ce genre de dispositif concernant toute la population. Mais un doute subsistait même sur certains sites faisant circuler l'information.
- L'article original est un simple texte, sans source, sans lien vers un document officiel ou un scan officieux.
En dehors de cet article et de ses copies sur le net, aucune trace de cette opération, qui demanderait pourtant de sacrés moyens financiers, sanitaires (suivi pour éviter que les puces nuisent à la santé) et organisationnels (coopération des secteurs de la santé et de l'information à des niveaux nationaux).
Au vu des arguments avancés, les autorités rechercheraient l'approbation des citoyens. Pourquoi une telle radinerie sur la publicité dans ce cas ?
- Un passage qui n'a pas toujours été traduit en français dit : "Les puces (...) sont basées sur une technologie passive NWO." Cet acronyme ressemble étrangement au NWO de "New World Order" (Nouvel Ordre Mondial), un concept aux implications pour le moins lourdes.
Soit les Illuminati tiennent plus à faire valoir leur trademark qu'à se cacher,
soit il s'agit d'un acronyme malheureux et l'équipe marketing de l'entreprise n'a pas pris le temps de s'informer sur les personnes risquant de déchaîner leurs fantasmes sur leurs produits,
soit c'est une blague volontaire laissée pour faire comprendre au lecteur attentif que c'est un canular.
- Quel est ce fameux CCCP au nom peu engageant (Comité consultatif pour le contrôle de la population) ?
Aucune trace, que ce soit avec le nom français ou italien, en dehors des sites copiant ou démontant l'article. Ce comité ne semble pas exister en dehors de cette histoire.
Par contre, les fans d'histoire contemporaine connaissent un autre CCCP : il s'agit de la transcription en alphabet cyrillique (Союз Советских Социалистических Республик) de "Union des républiques socialistes soviétiques", c'est-à-dire l'ex-URSS.
Et il suffit de lire le bas de la page du site (Giornale del Corriere, "Le journal du Courrier") pour confirmer ces indices :
"Le Journal du Courrier est un site satirique, et certains des articles qu'il contient doivent être considérés comme tels."
Des rumeurs qui s'implantent pour longtemps
Les fausses alertes et canulars satiriques sur l'implantation massive de puces RFID sont courants.
Les Etats-Unis ont récemment eu le même type de rumeur sur une implantation massive, soit disant exposée dans la version HR3200 de la loi Obamacare. Cette mesure aurait dû démarrer en mars 2013, sans qu'on en voit le début du commencement de l'ombre 11 mois après.
Les auteurs de canulars aiment justement choisir des thèmes :
- touchant le plus de personnes possibles, pour se répandre
- polémiques, pour que les lecteurs scandalisés oublient leur sens critique.
(Quel utilisateur de Facebook n'a jamais vu (ou fait suivre) un article du Gorafi et confrères pris au sérieux par plusieurs lecteurs ?)
C'est ainsi qu'on a eu droit à :
Assistance sociale | La puce sera obligatoire d'ici 2018
Donc, pensez à vérifier dans la rubrique "A propos" de ces sources, plutôt que de diffuser en urgence "au cas où". Ou, à force de crier au loup, les défenseurs des libertés individuelles finiront par ne plus être crus, ce qui ne bénéficiera à personne.
hoaxbuster
Rédacteur Hoax