Le bon, le Pape et Benetton
Comme à son habitude, la nouvelle campagne de publicité de Benetton fait parler d'elle. Décryptage sans haine de la campagne UNHATE lancée par la marque de vêtements...
La famille Benetton a du génie. Chaque fois qu'elle lance une campagne de pub, le retentissement est international.
Et pourtant, la méthode utilisée est toujours la même depuis près de 30 ans : la photo.
Mais pas n'importe quelle photo, non : une photo choc sur un sujet de société sensible et contemporain, qui met mal à l'aise ou amène à se poser des questions dans le but avoué de faire évoluer les mœurs.
A l'origine : le déclic Toscani
Oliviero Toscani, photographe italien engagé, est sollicité dès 1982 pour promouvoir la marque. On se rappelle ces photos de jeunes d'origines multiculturelles. Avant d'être ce qui est devenu un cliché (!), ce fut un pari risqué pour l'époque, surtout dans un pays comme l'Italie, aujourd'hui encore en proie à des démons xénophobes.
A partir des années 90, Toscani bénéficie de la confiance de Luciano, le fondateur du groupe Benetton. Il a alors carte blanche pour réaliser les clichés chocs qui vont ensuite orner les panneaux publicitaires du monde entier avec une simple mention "United Colors of Benetton" qui relègue les produits de la marque au second plan.
Parmi les œuvres du photographe, on peut citer les tatouages "HIV Positive", l'agonie d'un sidaïque sosie de Jésus, le baiser du prêtre et de la bonne sœur, la main noire contenant une minuscule ration de riz, etc...
Même si la collaboration ne s'est pas arrêtée, elle fut mise à mal suite à la campagne "Sentenced To Death" ayant pour support les photographies de détenus condamnés à mort. La pression et les menaces de boycott aux Etats-Unis ont eu raison de l'indépendance artistique et politique du maestro Toscani. Le groupe Benetton a alors tiré toutes les leçons d'une campagne mal maîtrisée.
Le fake qui shake
Il est vrai que Benetton produisait jusqu'à présent de vrais clichés, des photos certes retouchées et montées, mais qui n'étaient pas des trucages flagrants. Il ne fait pourtant aucun doute que les photos de la campagne UNHATE, bien que réalisées avec brio, sont des faux (fake en anglais). De prime abord, on peut alors se demander pourquoi l'affaire secoue autant le milieu religieux s'il n'y a aucun doute sur leur origine. Car à peine la campagne de pub voit-elle le jour qu'elle s'attire les foudres des chrétiens les plus fervents. Et sous la pression du Vatican, le groupe Benetton suspend la campagne.
En fait, comment en aurait-il pu être autrement ?
Utiliser l'image d'un Saint-Père à des fins mercantiles avec une église qui, comme la plupart des religions, condamne fermement l'homosexualité, sans même parler de la compétition sous-jacente que se livrent les leaders du Christianisme et de l'Islam avides de parts de marché... Comment a-t-on pu imaginer un seul instant que cela puisse passer ?
Campagne avortée ou stratégie subtile ?
Difficile donc de croire un seul instant que l'éventualité d'une contestation forte et immédiate n'ait pas été prévue. Alessandro Benetton, vice-président et deuxième fils de Luciano, avoue d'ailleurs que ces réactions avaient été envisagées.
Mais alors pourquoi avoir tenté le coup ?
Tout simplement pour titiller notre curiosité !
- "Comment, une campagne censurée avec une photo du Pape embrassant sur la bouche un Imam ? Il faut absolument que je voie ça !"
Et on se retrouve ainsi à rechercher les photos censurées sur Internet et on termine immanquablement sur le site de la fondation UNHATE pour savoir de quoi ça parle.
Alors que l'on se rassure, si Benetton a retiré sa campagne de pub (il n'a pas fallu les prier bien longtemps d'ailleurs), c'est pour faire encore plus de buzz sur la toile où le consommateur potentiel pourra à loisir se renseigner sur les valeurs défendues par la marque et qui sait, pourquoi ne pas acheter un produit Benetton plus tard, lorsqu'il aura décidé de renouveler sa garde-robe...
UNHATE = love ?
L'idée du mot UNHATE est pertinente.
Difficile de le traduire en français. Cela peut aussi bien signifier "sans haine" que "stopper la haine" ou même "amour" sans la connotation glurgesque qui lui est souvent associée.
Le concept peut faire mouche : "pas besoin de vous aimer les uns les autres... mais ne vous détestez pas !"
Bref, ce mot peut effectivement symboliser les valeurs de paix et de tolérance défendues par la firme depuis de nombreuses années tout en se démarquant du "love", marque déposée par le Christianisme. L'évolution des mœurs est la meilleure réponse pour lutter contre les fléaux que sont le racisme, l'homophobie et le sexisme ! Et il faut bien avouer que la religion a énormément façonné notre culture, raison pour laquelle cette dernière est souvent la cible des attaques de Benetton.
Mais la société n'est peut-être pas encore prête pour cette critique.
Il y a pourtant dans notre bas monde tellement de choses plus dérangeantes que deux dirigeants qui s'embrassent...
Sources :
hoaxbuster
Rédacteur Hoax