Fin du monde à Fukushima
Depuis que la centrale nucléaire japonaise de Fukushima Daiichi a été touchée par un tsunami le 11 mars 2011 certains nous annoncent une apocalypse nucléaire imminente.
Nul besoin d'être un grand spécialiste de l'atome pour se rendre compte que qu'il s'agit d'une catastrophe nucléaire majeure. Mais allons-nous tous mourir demain dans d'atroces souffrances comme le prédisent certains ?
Faisons le point
L'accident nucléaire de Fukushima est classé au niveau 7 sur l'échelle INES (International Nuclear Event Scale). Un niveau atteint une seule fois auparavant (Tchernobyl en 1986). Il s'agit donc, très officiellement, d'un évènement extrêmement grave.
Vidéo explicative de l'accident (INRS)
D'après le Commissariat à l'Energie Atomique, la population située dans un rayon de 50 kilomètres autour de la centrale aurait reçu en 4 jours une dose de 10 à 50 millisieverts soit jusqu'à 2,5 fois la dose maximale annuelle admissible pour un salarié du nucléaire. Pourtant, seule la population vivant dans un rayon de 20 km autour de la centrale a été évacuée. Il faut toutefois préciser que le risque pour la population restée sur place varie en fonction des radionucléides auxquels elle est exposée, la dangerosité variant fortement d'un isotope à un autre.
Les barres de combustible usagé stockées dans les piscines des réacteurs 1, 3 et 4 et dans la piscine collective du site ainsi que ce qui reste du combustible des réacteurs 1, 2 et 3 doivent être constamment refroidis. Une défaillance du système de refroidissement comme celle qui a eu lieu le 19 mars 2013 pourrait engendrer une réaction physico-chimique avec dégagement d'hydrogène susceptible d'entrainer une nouvelle explosion. Elle pourrait aussi engendrer la fonte des barres de combustible usagé en une sorte de magma radioactif informe qui pourrait, éventuellement, s'enfoncer dans le sol jusqu'à la nappe phréatique (les piscines n'ayant pas d'enceinte de confinement, contrairement aux réacteurs) et qui deviendrait difficile a retraiter une fois refroidi.
Cette éventualité devient toutefois chaque jour plus improbable dès lors que la chaleur dégagée par le combustible usagé contenu dans les piscines diminue avec le temps de manière exponentielle, passant de 2000 kw au moment du déchargement du réacteur à 10 kw un an plus tard.
Mais même relativement froides, les 1535 barres de combustible usagé de la piscine du réacteur numéro 4, représentant une masse de 264 tonnes de matière radioactive, doivent rester immergées jusqu'à leur évacuation qui doivent débuter sous peu (novembre 2013), si tout va bien. L'eau étant indispensable pour éviter l'échauffement de ce combustible, mais aussi pour contenir les rayons gamma qu'il émet.
Malheureusement, cette masse d'eau contaminée est difficile à contenir et, en août 2013, 300 000 litres se sont ainsi répandues sur le sol de la centrale avant de polluer la nappe phréatique et l'océan.
TEPCO vs les marchands de peur
Au-delà de ces éléments factuels déjà suffisamment alarmants en soi, de nombreux sites et blogs nous annoncent une catastrophe encore plus grande à grand renfort d'informations exclusives. Mais quelles sont leurs sources ?
En dehors de TEPCO, absolument personne n'a accès au site et la transparence n'est pas franchement à l'ordre du jour. A ce jour, et quoiqu'on puisse en penser, aucune autre source d'information ne peut se substituer à l'électricien nippon. Or, selon les experts indépendants de la CRII-RAD, il n'est pas absolument pas possible de tirer de conclusions réalistes sans être sur le terrain et sur la seule base des informations données.
Dès lors qu'il est établi que nos oiseaux de mauvais augures n'ont pas plus d'information que le commun des mortels, il paraît raisonnable de s'interroger sur le ou les buts qu'ils poursuivent en répandant des rumeurs infondées. Une chose est certaine : en privilégiant uniquement des scénarios catastrophes qui n'ont que très peu de chances de se produire, ils n’œuvrent pas pour la crédibilité des opposants au nucléaire.
Mais pour éviter le pire annoncé, il existe peut-être une solution prônée par de nombreux sites : l'intervention d'experts internationaux. La question étant quels experts. Les accidents nucléaires de ce type étant, heureusement, très rare, aucun technicien au monde n'a l'expérience de ce genre de situation, que ce soit au Japon ou ailleurs. Considérer, dans ses conditions, que les techniciens de TEPCO seraient moins compétents que des techniciens occidentaux ne relève-t-il pas purement et simplement d'une forme de racisme consistant à penser que les asiatiques seraient tout juste bons à planter du riz ? Et qui seraient ces techniciens occidentaux salvateurs ? S'agit-il des gens de chez AREVA, EDF ou E.ON, autant de sociétés qui sont régulièrement l'objet de manifestations d'opposants au nucléaire ? Joli paradoxe que voilà. C'est aussi oublier un peu vite que la société AREVA travaille déjà avec TEPCO depuis le début. Peut-être a-t-on simplement affaire au célèbre yaka-taka, version nippone du non moins célèbre yakafokon qui tient lieu de réflexion à ceux qui pensent qu'il existe toujours des solutions simples aux problèmes compliqués.
Vingt-cinq ans après Tchernobyl, la catastrophe de Fukushima prouve une fois de plus que la production d'électricité avec l'énergie nucléaire peut être dangereuse et que le risque zéro, ici comme ailleurs, n'existe pas. Les "petites" cachotteries de TEPCO et leur refus de permettre l'accès au site à des ONG reconnues dans le domaine telles que la CRII-RAD laisse libre cours aux rumeurs les plus folles et à la désinformation contre lesquelles prétend vouloir lutter le gouvernement japonnais. Toutes les formes d'énergie, qu'elles soient nucléaires, fossiles ou renouvelables, ont leurs partisans et leurs détracteurs et l'humanité en consomme de plus en plus chaque jour.
Dénaturer les faits, diffuser de fausses rumeurs ou tenir des propos dignes de la buvette du coin, méthodes couramment utilisées par les extrémistes de tous poils, n'est certainement pas de nature à faire progresser un débat sans doute nécessaire.
hoaxbuster
Rédacteur Hoax