Étiquette politique tactique
Une petite blague innocente se transforme en opération politico-médiatico-commerciale. Le buzz autour d'une petite société se transforme en hoax multinational.
Edit (janvier 2017) : le hoax réapparaît, avec Trump en victime supposée de la société en question. L'histoire originale étant toujours la même, notre article de 2004 convient parfaitement.
La petite société américaine Tom Bihn, qui employait une dizaine de personnes, a profité d'une publicité extraordinaire en avril 2004. Peu connue, cette entreprise spécialisée dans la conception de sacs et de valises a fait parler d'elle dans le monde entier sans débourser un centime.
Sa recette du succès est simple: l'étiquette de certains sacs, rédigée en anglais et en français, comportait, en plus des habituelles instructions pour le lavage et le repassage, deux phrases inattendues en français :
"Nous sommes désolés que notre président soit un idiot. Nous n'avons pas voté pour lui".
Cette information a rapidement circulé sur internet et les ventes des sacs en question auraient doublé en quelques mois. Quant au message lui-même, il n'a pas vraiment été décrypté. Selon Tom Bihn, le dirigeant de la société, le président ainsi accusé serait... lui-même: ses employés auraient profité de ses faibles connaissances en français pour le duper.
Mais pour d'autres personnes, il s'agit de Georges W. Bush ou de Jacques Chirac, le contexte géopolitique était favorable à toutes les interprétations. Selon Tom Bihn, "People out there think a number of presidents are idiots, it's a universal message." (les gens pensent qu'un certain nombre de présidents sont des idiots, c'est un message universel). Il reconnaît volontiers que vu l'accueil favorable fait à cette plaisanterie, il n'a pas cherché à savoir qui avait fait ça et pourquoi.
Enfin, la société a mis en avant ces sacs et a même créé un T-shirt reprenant la fameuse étiquette (les profits étant reversés à une association caritative). Même si la version officielle est plausible, il est plus tentant de croire que c'est une action marketing parfaitement orchestrée, basée sur la propagation de la rumeur sur le réseau.
La petite histoire aurait pu s'arrêter là, mais aujourd'hui, le mail qui circule occulte totalement la vérité, puisqu'il affirme que l'étiquette provient de vêtements Nike et qu'elle lui sert à "racheter son image". Exemple parfait de la déformation que peut subir un message transféré de boîte en boîte, cette anecdote est l'archétype de la naissance du hoax: le transfert de choses amusantes sans vérification.
Ce hoax n'est pas méchant en soi, de fait il ne cause de tort à personne nominativement, mais il participe à la désinformation de l'internaute et profite de sa crédulité: c'est plus spectaculaire de croire que l'étiquette figure sur les vêtements d'une grande marque de sport que sur des sacs inconnus. Alors si vous revecez ce message, contentez-vous d'esquisser un sourire entendu et de le glisser à la corbeille. Ou mieux encore, renvoyez vers le label HoaxBuster pour un étiquettage en règle de la réalité.
hoaxbuster
Rédacteur Hoax